Michel Rio Cadre, plan, lecture
Cadre et espace.
La bande dessinée, comme la peinture ou le cinéma, a suscité son propre lieu clos de représentation, une démarcation précise de l'image que nous appellerons « cadre » délimitant arbitrairement, et abstraitement (il s'agit généralement d'une figure géométrique parfaite), les contours de l'image, un « dedans » qui est la représentation, son lieu métaphorique, par opposition à un « dehors », monde, lieu physique, lieu du destinataire. Essayons de constater rapidement comment, par l'existence du cadre, se crée ce rapport d'espaces hétérogènes. L'espace vierge de la page blanche n'est un espace de fiction que d'une manière purement virtuelle. Vierge, il appartient, en tant qu'objet, à l'espace réel, celui du desti- nateur ou du destinataire à venir. Nous prenons l'exemple de la page blanche, puisque nous parlons de bande dessinée. Traçons sur cette page blanche un signe simple : O« On constatera que la polysémie de ce signe est très réduite. On peut l'interpréter comme un signe linguistique, la lettre 0, comme la figure géométrique cercle, ou comme le signe arithmétique zéro. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un signe abstrait s'inscrivant sur un espace homogène, celui, concret, de la page-objet. Il y aura donc le signe S (cercle, lettre, chiffre) et l'espace homogène E de la page à l'intérieur et à l'extérieur du signe, E appartenant sans discontinuité à l'espace général (réel).
Ce qui est valorisé ici, du point de vue sémantique, c'est le trait posant le signe et non l'espace où il s'inscrit. Nous précisons qu'il faut ici privilégier le signe, et non la rupture d'espace (ce qu'on pourrait envisager) selon une hiérarchie de la signification. Les deux espaces ainsi définis resteraient (relativement) non signifiants parce que le signe (trait) n'est pas lié de façon évidente à un réfèrent objet du monde (espace réel) \
1. Si cela était, on pourrait alors distinguer effectivement : E' espace de l'objet, S lui appartenant; E, espace du dehors, appartenant au monde.
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